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Interview/Automobile : Mourad Saadi nous dit tout

Dans cette interview, Mourad Saadi, journaliste spécialisé et néanmoins consultant dans le secteur de l’automobile, décortique les deux cahiers des charges publiés sur le Journal officiel et relatifs à l’activité du concessionnaire et à la construction automobile en Algérie.

Aux yeux du fondateur du site en ligne « carvision.dz », ces deux décrets recèlent beaucoup d’aspects positifs, comme ils contiennent des contraintes que les opérateurs ont soulevé dès leur parution. Pour le fondateur de l’ancien magazine « Le Mensuel de l’automobile », il s’agit, maintenant, de passer aux actes, c’est-à-dire à l’investissement, sachant que l’urgence était la relance de ce secteur à travers le lancement de la plateforme numérique qui permettrait aux opérateurs de s’inscrire, la délivrance des agréments et le renouvellement du parc automobile qui vieillit un peu plus chaque année.

Autre point abordé par notre interlocuteur, l’industrie automobile en Algérie qui, selon lui, a été valorisée par l’actuel cahier des charges qui met en avant les nouvelles technologies, l’allègement du taux d’intégration et les facilitations pour les opérateurs qui voudraient nouer des partenariats gagnant-gagnant. Du reste, M Saadi a abordé plusieurs autres points inscrits au titre de ces deux cahiers des charges et que nous vous laissons découvrir dans cette interview.

INTERVIEW REALISEE PAR :

FARID BELGACEM

Le Kiosque-Med : Après une longue attente, les deux cahiers des charges relatifs à l’activité du concessionnaire et à la construction automobile viennent d’être publié ? Qu’est-ce qui ressort d’emblée de ces deux décrets par rapport aux attentes des professionnels du secteur?

Mourad Saadi : Globalement, les deux documents semblent avoir été acceptés par la majorité des opérateurs du secteur qui les considèrent comme facilitateurs comparativement à leurs prédécesseurs. Ceci étant dit, après l’euphorie liée à leur parution, car très attendus, il semblerait que des points de confusion subsistent   selon   certains   opérateurs   que   nous   avons   contactés.

Ces   derniers estiment que le nombre de marques autorisées à être représentées n’est pas clair. Les uns pensent qu’une seule marque est autorisée alors que d’autres estiment que plusieurs labels peuvent être importés et commercialisés.   Face à cette situation, ils comptent suggérer au ministère de l’Industrie des clarifications.

Par ailleurs, développer un réseau de distribution sur 28 wilayas, va contraindre les marques premium à abandonner le marché algérien en raison de l’impossibilité pour leurs représentants d’atteindre un seuil de rentabilité   acceptable. Leurs volumes de ventes étant restreints et ne représentent que 3% sur le marché global toutes marques.

Autre point que les prétendants à l’agrément de concessionnaire ont souligné comme incohérent au regard de leur situation presque de banqueroute, la mise en œuvre de quinze (15) véhicules de remplacement qui doivent être la propriété de l’opérateur.

Certains considèrent que l’immobilisation de tant de véhicules est préjudiciable pour eux, au regard que c’est depuis 2017 qu’ils n’activent plus. Ils préconisent des partenariats avec les sociétés de location ou des compagnies d’assurance pour   la mise à disposition de véhicule de remplacement au profit du client dont le véhicule acquis est immobilisé pour une durée dépassant les 48 heures.

A première vue le décret relatif à l’activité du concessionnaire a été allégé   contrairement aux précédentes lois, jugées contraignantes par les opérateurs. Qu’est ce qui a changé, selon vous, et quels sont les points positifs qu’on pourrait retenir de ce décret ?

Concernant le volet industriel, le point le plus important qui a été revu au profit des investisseurs est sans aucun doute, celui relatif aux taux d’intégration. Avec successivement 10% à la fin de la seconde année, puis 20% à la troisième année et 30% au bout de cinq ans, le législateur a consenti un effort remarquable pour faciliter la tâche aux opérateurs particulièrement les constructeurs qui bénéficient là de la possibilité de travailler dans la mise en œuvre de leur projet, avec sérénité.

Pour les concessionnaires, et au-delà des quelques points qu’ils considèrent   comme pas très clairs, je pense que ce document-cadre va leur permettre de se   redéployer avec une certaine aisance puisqu’ils sont expérimentés et maitrisent parfaitement leur métier. Nous ne sommes plus dans la situation des années   1990 quand le marché a été ouvert et que les concessionnaires étaient loin de maitriser leur profession.

L’expérience acquise au cours de plus de trois décennies va contribuer à une reprise du marché dans de bonnes conditions, particulièrement grâce à ce cahier des charges qui met l’accent sur la protection du consommateur.

Comme toute loi, ce décret recèle certaines obligations qui, au demeurant, pourraient pénaliser les opérateurs, comme les surfaces exigées, le nombre de wilayas à couvrir ou encore le recrutement et la formation de la ressource humaine bien avant l’entame de l’activité, outre la déclaration à la CNAS. Qu’en pensez-vous ?

Vous avez raison d’évoquer ces contraintes qui pèsent sur les opérateurs du secteur particulièrement en raison de leur situation fragilisé par plusieurs années d’inactivité, mais il n’en demeure pas moins qu’ils restent motivés et déterminés à faire avec.

Aujourd’hui, il s’agit pour eux de reprendre leur activité malgré ces quelques contraintes que vous évoquez à juste titre. Ce texte recèle en effet, quelques imperfections mais dans la situation d’urgence dans laquelle se trouvent ces opérateurs, le plus important pour eux est de réinvestir   le marché.

Pensez-vous que les premières voitures importées seront disponibles au courant de l’année 2023 ?

Pour que les importations de véhicules neufs soient effectives, il faudra que le ministère de l’Industrie déploie la plateforme numérique sur laquelle les prétendants à l’agrément de concessionnaire vont s’inscrire, puis il faudra que la Commission technique et le Comité de recours soient mis en place, et aussi faire connaitre la date du début des dépôts de la demande d’autorisation préalable.

A la suite de ça, un délai de trente (30) jours est accordé pour la commission technique pour statuer sur la demande d’autorisation préalable de chaque postulant, selon la date d’émission de la demande.

Une fois que les premiers accords sont signifiés aux concernés, ces derniers, détenteurs de l’autorisation préalable doivent déposer un second dossier pour l’obtention de l’agrément.

Pour le traitement de ces second dossier (demande d’obtention de l’agrément), le même délais d’un mois est en vigueur. Avec toutes ces démarches, et dans le cas où nous ne connaitrons pas les mêmes retards auxquels nous avons assisté par le passé, je pense que les premiers véhicules importés seront dans les showrooms des concessionnaires à partir du second semestre de l’année prochaine.

Le présent cahier des charges préconise l’interdiction de l’importation   des   voitures équipées de moteur Diesel et d’aller vers les motorisations propres (électrique, hybride…etc.). Sommes-nous préparés sur le terrain pour faire face à ces nouvelles technologies. Ne pensez-vous pas que les autres secteurs, comme l’enseignement supérieur et la formation professionnelle, devraient suivre, dans l’immédiat,  pour s’inscrire dans la dynamique de   la transition énergétique?

Bien entendu que notre pays est loin d’être prêt pour accueillir des véhicules électriques par exemple. Mais je trouve que c’est une bonne chose que ce type de voitures soit évoqué dans le cahier des charges, cela préfigure une évolution future avec une mutation vers une mobilité plus propre.

Cela confirme également la volonté des plus hautes autorités du pays de réussir à passer le cap de la transition énergétique. Je rappellerais que le Président de la République lui-même, a insisté pour que l’industrie automobile dans notre pays doit se doter à termes des technologies les plus avancées.

Cela veut dire, selon ma compréhension, que les usines qui y seront installées,   inscriront dans leurs systèmes de production, une mutation vers les véhicules propres, électriques ou hydrogène. Notre pays dispose de moyens conséquents pour lui permettre de réussir cette ambition.

Pour ce qui est des importations de véhicules propres, il y a évidemment lieu pour notre pays d’installer un réseau de bornes de recharges dont, je le rappelle, la production est maitrisée par des opérateurs nationaux, pour ensuite voir un début d’arrivée de ce type de véhicules.

Concernant d’autres secteurs qui peuvent apporter leur contribution dans la dynamique de la transition énergétique, effectivement les écoles supérieures et le secteur de la formation professionnelle sont déjà engagés dans ce nouveau défi et l’exemple le plus récent est la signature entre Renault Algérie et le Ministère de la formation professionnelle d’un accord prévoyant la création de nouvelles formations intégrant les nouvelles technologies embarquées sur les véhicules.

Qu’en-est-il des droits des consommateurs qui subissent actuellement les affres de la pénurie et de la hausse des prix de la pièce de rechange. N’est-il pas temps de réhabiliter le client dans ses droits et d’imposer des clauses   fermes aux concessionnaires ? N’est-il pas temps aussi aux professionnels du secteur de s’organiser en association pour plus de transparence dans cette filière pour éviter les erreurs du passé ?

C’est peut-être un des points forts du nouveau cahier des charges, dédié aux concessionnaires. Ce document prévoit des mesures concrètes au profit du consommateur telles que le respect des délais de livraison, le contrat de garantie de cinq ans ou 100 000 Km au premier critère échu, la mise à disposition d’un véhicule de remplacement en cas de panne et d’immobilisation du véhicule pour une durée dépassant les 48 heures, l’exigence de la disponibilité de la pièce de rechange d’origine, la mise en œuvre d’ateliers d’entretien et de réparation et bien entendu, la formation des collaborateurs aux technologies nouvelles avec des programmes de remise à niveau réguliers.

Ces dispositions vont au bénéfice d’une plus grande protection des clients qui, il est vrai, connaissent une situation parfois dramatique en raison de l’arrêt de l’activité des concessionnaires agréés. Ce qui a ouvert le marché à une faune de spéculateurs et autres importateurs de pièces de rechange contrefaites, provoquant ainsi de nombreux accidents sur nos routes.

Sur un autre plan, c’est-à-dire la construction automobile, le gouvernement   semble également alléger certaines dispositions, à l’image du taux   d’intégration dès la deuxième année. Cela suffirait-il pour que les opérateurs installent autour de leurs usines un tissu de sous-traitants   qui permettraient d’atteindre, au bout de la cinquième année, un taux d’intégration comme stipulé par la nouvelle loi ?

Pour répondre à une telle question, il faudrait connaitre le type de projet mis en œuvre. C’est-à-dire qu’une fois que le constructeur aura annoncé le montant de son investissement, son ambition en termes de volume de production et son évolution   annuelle,   le   nombre   de   collaborateurs   qui   seront   recrutés   et   les modèles qui y seront produits, là nous pourront juger de l’importance du projet, de sa cohérence et de sa faisabilité.

Ce que je peux avancer, c’est que si un constructeur s’engage à mettre en place un outil de production, il est clair qu’il installera un réseau de sous-traitance autour de son site de production. Tout dépendra de l’ambition du constructeur,   de la taille de l’usine et de sa configuration.

Bien avant la publication de ce décret, Fiat a signé un contrat, alors que l’usine TMC de Tiaret a redémarré l’activité de montage. Dans le même temps, le ministère de l’Industrie avait affirmé qu’il était en négociation avec de grandes firmes automobiles mondiales, dont on ignore, pour le   moment les noms. Comment envisagez-vous le paysage de l’industrie automobile algérien ?

Restons prudents et mesurés. Les annonces faites au cours du mois d’octobre dernier, laissent présager un avenir radieux pour l’industrie automobile dans notre pays. Attendons de voir leur concrétisation sur le terrain pour commenter.

De nos jours, les grandes firmes automobiles hésitent à transférer les technologies et le savoir-faire. Pensez-vous que l’actuel cahier des charges les contraindrait à le faire, d’autant que la récente loi sur l’investissement exige un partenariat gagnant-gagnant ?

 Le cahier des charges ne doit pas être conçu pour contraindre un constructeur à transférer son savoir-faire et sa technologie. Ce document-cadre destiné à l’industrie est conçu dans une perspective gagnant-gagnant. Si l’une des deux parties ne trouve pas son intérêt, il n’y aura pas d’accord. Notre pays dispose de nombreux atouts pour attirer des constructeurs de rang mondial. A nous de savoir valoriser nos potentialités, particulièrement en cette période difficile pour les constructeurs à la recherche de nouvelles opportunités, notamment sur le continent africain.

L’Algérie va à la fois importer et fabriquer des véhicules. A terme, notre pays va également aller vers l’exportation. Entre les trois paliers de marché, notre parc vieillit et tombe entre les mains des spéculateurs. N’est-il pas temps, à votre avis, de structurer et de réguler le marché de   l’occasion en Algérie ?

C’est un sujet qui devrait attirer l’attention des pouvoirs publics. Dommage que ce   marché   de   véhicules   d’occasion   n’est   pas   pris   en   compte   car   il   pourrait apporter un énorme bénéfice pour la société algérienne dans son ensemble.

La structuration de ce marché à travers le réseau des   concessionnaires   est   une nécessité. Le Trésor public a beaucoup à y gagner. En plus, c’est une activité créatrice d’emplois, elle permet une grande sécurité sur les transactions, car un véhicule d’occasion repris par le concessionnaire est remis à niveau et vendu dans un cadre légal, avec facture, sans craindre une falsification des documents ou une malfaçon sur le véhicule, contrairement à ce qu’on voit dans les souks.

F.B.

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