Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations-Unies, porte la vision d’un monde plus sain, plus juste et plus équitable – un monde libéré de la pauvreté, de la faim et de la malnutrition. Or, force est de constater que ces objectifs semblent de plus en plus hors de portée, reconnaissent les analystes de la FAO (organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture).
Bien que la faim ne se soit pas aggravée à l’échelle mondiale entre 2021 et 2022, elle gagne du terrain, cependant, dans de nombreux endroits de la planète – touchant des personnes qui n’ont pas encore pu compenser les pertes de revenu occasionnées par la pandémie de covid-19, qui ont été durement frappées par la hausse des prix des denrées alimentaires, des intrants agricoles et de l’énergie, ou encore dont la vie et les moyens d’existence sont mis à mal par des conflits ou des phénomènes météorologiques extrêmes. Le dernier rapport de la FAO, publié il y a trois jours, fait le point sur les progrès accomplis au niveau mondial en direction des objectifs d’éradication de la faim (cible 2.1 des ODD) et d’élimination de la malnutrition sous toutes ses formes (cible 2.2). Il montre que la faim est demeurée relativement stable au niveau mondial entre 2021 et 2022, mais qu’elle se maintient largement au-dessus du niveau enregistré avant la pandémie de covid-19 et même qu’elle augmente dans de nombreuses régions où les populations n’ont pas encore pu compenser les pertes de revenus occasionnées par la pandémie, ou ont été durement touchées par la flambée des prix des denrées alimentaires, des intrants agricoles et de l’énergie, par des conflits et/ou par des phénomènes météorologiques extrêmes. Le rapport donne également des estimations actualisées concernant les milliards de personnes qui n’ont pas accès toute l’année à une alimentation nutritive, sans danger pour la santé et en quantité suffisante. Il fait apparaître que, dans l’ensemble, l’on est bien mal engagé pour atteindre l’ensemble des cibles liées à la nutrition. Si des progrès sont observés en ce qui concerne d’importants indicateurs de la nutrition infantile, l’augmentation du taux d’excès pondéral constatée chez les enfants de moins de 5 ans dans de nombreux pays laisse présager un accroissement de la charge des maladies non transmissibles. L’urbanisation progresse dans de nombreux pays et ce rapport montre qu’elle modifie les systèmes agroalimentaires d’une façon qu’il n’est plus possible d’appréhender sous l’angle de la simple dichotomie entre milieu rural et milieu urbain. L’évolution des agglomérations tout le long du continuum rural-urbain et la fonction d’interface que celles-ci exercent en tant que lieux d’échange et d’interactions socioéconomiques modifient les systèmes agroalimentaires et sont modifiées par eux, ce qui n’est pas sans conséquences pour la disponibilité et l’accessibilité économique des aliments sains, et donc pour la sécurité alimentaire et la nutrition.
Plus de 600 millions de personnes souffriront de sous-alimentation chronique en 2030
De nouvelles données indiquent que, dans certains pays, ce ne sont plus seulement les ménages urbains mais aussi les ménages ruraux qui achètent une part élevée des aliments qu’ils consomment. Dans plusieurs pays, la consommation d’aliments hautement transformés augmente également dans les zones périurbaines et les zones rurales. Les effets de ces changements sur la sécurité alimentaire et la nutrition des individus diffèrent selon l’endroit où ceux-ci vivent le long du continuum. La faim dans le monde – mesurée par la prévalence de la sous-alimentation (indicateur 2.1.1 des objectifs de développement durable [ODD]) – est demeurée relativement stable entre 2021 et 2022, mais se maintient à un niveau bien supérieur à celui enregistré avant la pandémie de covid-19: elle touchait quelque 9,2 % de la population mondiale en 2022, contre 7,9 %en 2019. On estime qu’entre 691 millions et 783 millions de personnes dans le monde ont souffert de la faim en 2022. Si l’on prend la moyenne (735 millions environ), cela représente près de 122 millions de personnes de plus qu’en 2019, avant la pandémie mondiale. è Entre 2021 et 2022, des progrès ont été accomplis en Asie et en Amérique latine en matière de réduction de la faim, mais cette dernière continue d’augmenter en Asie de l’Ouest, dans les Caraïbes et dans toutes les sous-régions d’Afrique. Les projections indiquent que près de 600 millions de personnes souffriront de sous-alimentation chronique en 2030. Dans un scénario sans pandémie ni guerre en Ukraine, ce chiffre serait inférieur de 119 millions – et de 23 millions environ si seule la guerre en Ukraine était écartée, ce qui souligne l’immense défi que représente la cible des ODD visant l’éradication de la faim, en particulier en Afrique. La prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave à l’échelle mondiale (indicateur 2.1.2 des ODD) est demeurée stable pour la deuxième année consécutive, après avoir fortement augmenté entre 2019 et 2020. Quelque 2,4 milliards de personnes – 29,6 % de la population mondiale – étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave en 2022, dont environ 900 millions (soit 11,3 pour cent de la population mondiale) dans le deuxième cas. À l’échelle mondiale, l’insécurité alimentaire touche de manière disproportionnée les femmes et les personnes qui vivent en milieu rural. En 2022, l’insécurité alimentaire modérée ou grave concernait 33,3 % des adultes en milieu rural, contre 28,8 % dans les zones périurbaines et 26,0 pour cent dans les zones urbaines. L’écart entre femmes et hommes en matière d’insécurité alimentaire à l’échelle mondiale, qui s’était creusé dans le sillage de la pandémie, s’est réduit entre 2021 et 2022, passant de 3,8 points à 2,4 points. En 2021, plus de 3,1 milliards de personnes dans le monde (soit 42 %) n’avaient pas les moyens de s’alimenter sainement. Bien que cela représente une hausse globale de 134 millions par rapport à 2019, avant la pandémie, le nombre de personnes se trouvant dans cette situation a en réalité baissé de 52 millions entre 2020 et 2021. On estime qu’en 2022, sur l’ensemble des enfants de moins de 5 ans à l’échelle mondiale, 148,1 millions (22,3 pour cent) présentaient un retard de croissance, 45 millions (6,8 pour cent) étaient émaciés et 37 millions (5,6 pour cent) étaient en surpoids. La prévalence du retard de croissance et de l’émaciation était plus élevée dans les zones rurales, tandis que celle de l’excès pondéral était légèrement supérieure en milieu urbain
« Amplifier et mieux cibler nos actions »
« Dans le présent rapport, nos organisations viennent réaffirmer, d’une même voix, qu’il nous faut amplifier et mieux cibler nos actions, faute de quoi l’objectif d’éliminer la faim, l’insécurité alimentaire et la malnutrition sous toutes ses formes d’ici à 2030 restera hors de notre portée. Notre monde se relève de la pandémie planétaire, mais de manière inégale d’un pays à l’autre ou au sein même des pays », disent les rédacteurs du document. Il est en outre aux prises avec les conséquences de la guerre en Ukraine, qui a ébranlé les marchés des produits alimentaires et de l’énergie. Les systèmes agroalimentaires restent extrêmement vulnérables aux crises et aux perturbations résultant des conflits, de la variabilité et des extrêmes climatiques, et des contractions économiques. Ces facteurs, conjugués aux inégalités croissantes, continuent de mettre à rude épreuve la capacité des systèmes agroalimentaires de fournir à chacun une alimentation nutritive, sans danger pour la santé et abordable. Ces grands moteurs de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition sont la «nouvelle normalité». « Nous n’avons pas d’autre choix que de redoubler d’efforts pour transformer les systèmes agroalimentaires et les utiliser comme levier pour atteindre les cibles de l’objectif de développement durable (ODD) 2 », avouent les experts de la FAO. La faim dans le monde se maintient à un niveau bien supérieur à celui enregistré avant la pandémie de covid-19. On estime qu’entre 690 millions et 783 millions de personnes dans le monde ont souffert de la faim en 2022. Cela représente 122 millions de personnes de plus qu’avant la pandémie. Malgré tout, la faim a cessé de s’aggraver dans le monde au cours des deux dernières années, et on comptait en 2022 quelque 3,8 millions de personnes sous-alimentées de moins qu’en 2021. La reprise économique au sortir de la pandémie a contribué à ce résultat, mais cette modeste progression a incontestablement été fragilisée par la hausse des prix des produits alimentaires et de l’énergie, elle-même amplifiée par la guerre en Ukraine. L’autosatisfaction n’est toutefois pas de mise, car la faim continue d’empirer partout en Afrique, en Asie de l’Ouest et dans les Caraïbes
Cible Faim zéro des ODD : un gigantesque défi à relever d’ici à 2030
La cible Faim zéro des ODD est sans nul doute un gigantesque défi à relever d’ici à 2030. Les projections indiquent en effet que près de 600 millions de personnes souffriront encore de la faim à cette échéance. Dans un scénario sans pandémie de covid-19 ni guerre en Ukraine, ce chiffre serait inférieur de 119 millions – et de 23 millions environ dans un scénario où seule la guerre en Ukraine est écartée. Malheureusement, la faim n’est pas l’unique préoccupation. En 2022, 2,4 milliards de personnes – parmi lesquelles relativement plus de femmes et de personnes vivant en zone rurale – n’avaient pas accès à une alimentation nutritive, sans danger pour la santé et en quantité suffisante toute l’année. Les effets tenaces de la pandémie sur le revenu disponible des personnes, le coût de plus en plus élevé d’une alimentation saine et la hausse globale de l’inflation laissent encore des milliards d’êtres humains sans accès à une alimentation saine et abordable. Des millions d’enfants de moins de 5 ans continuent de présenter un retard de croissance (148 millions), de souffrir d’émaciation (45 millions) ou d’être en surpoids (37 millions). Malgré les progrès accomplis en matière de réduction de la dénutrition infantile – retard de croissance et émaciation –, le monde n’est pas sur la bonne voie pour atteindre les cibles fixées dans ces domaines pour 2030, et aucune région n’est en passe de réaliser la cible définie avec la même échéance pour l’insuffisance pondérale à la naissance, laquelle est étroitement liée à la nutrition des femmes avant et pendant leur grossesse. Des progrès constants ne sont visibles que dans les taux d’allaitement maternel exclusif. Ces chiffres et ces évolutions sont certes une grande déception pour nous, mais pour les enfants et les personnes concernés, ils renvoient à une réalité qui sous-tend toute leur existence, et qui renforce notre détermination à continuer de rechercher des solutions. Depuis 2017, année où des signes indiquant une progression de la faim ont commencé à apparaître, nos organisations ont analysé en profondeur, dans les différentes éditions de ce rapport, les principaux facteurs à l’origine de ces évolutions préoccupantes et ont formulé des recommandations fondées sur des données factuelles pour y remédier. « Nous avons souligné à plusieurs reprises que l’intensification et la conjonction des conflits, des phénomènes climatiques extrêmes et des ralentissements et fléchissements économiques, auxquels viennent se greffer le prix largement inabordable des aliments nutritifs et les inégalités qui se creusent, nous faisaient prendre du retard au regard des cibles de l’ODD 2. Nous devons rester déterminés à prendre des mesures audacieuses visant à renforcer la résilience face à ces épreuves, mais il nous faut également tenir compte d’autres mégatendances », indique le rapport.
Effets de l’urbanisation
L’urbanisation est l’une de ces mégatendances, et le thème du rapport de cette année. D’après les projections, près de 7 personnes sur 10 vivront en ville en 2050; mais aujourd’hui, cette proportion est déjà de 56 % environ. Pour comprendre la manière dont l’urbanisation façonne les systèmes agroalimentaires, il nous faut l’étudier sous l’angle du continuum rural-urbain, et aborder tous les aspects, de la production alimentaire à l’achat des produits alimentaires et au comportement des consommateurs, en passant par la transformation, la distribution et la commercialisation. En effet, l’urbanisation contribue à transformer les systèmes agroalimentaires en remodelant les schémas spatiaux de la demande alimentaire et en influant sur les préférences des consommateurs, et a une incidence sur les modes et les lieux de production, d’approvisionnement et de consommation des aliments ainsi que sur le choix de ces aliments. Ces changements se répercutent sur les systèmes agroalimentaires, et engendrent tout à la fois des défis à relever et des possibilités à saisir pour assurer l’accès de tous à une alimentation saine et abordable. Avec l’accroissement de la population, les villes moyennes ou grandes et les localités rurales réduisent sans cesse l’espace qui sépare les zones rurales des grandes métropoles. Dans ce monde de plus en plus urbanisé, nous ne pouvons plus mener notre lutte contre la faim, l’insécurité alimentaire et la malnutrition en partant de l’hypothèse traditionnelle d’un fossé entre les zones rurales et les zones urbaines. Sous l’effet de l’urbanisation mondiale, la demande et l’offre de produits alimentaires évoluent rapidement le long du continuum rural-urbain, et remettent en question notre mode de pensée habituel. Dans certains contextes, les achats importants de produits alimentaires ne sont plus seulement le fait de ménages urbains, mais sont aussi observés chez les ménages ruraux qui vivent loin d’un centre urbain. De plus, la consommation d’aliments hautement transformés augmente aussi dans les zones périurbaines et rurales dans certains pays, tandis que celle de légumes, de fruits, de matières grasses et d’huiles tend à s’homogénéiser le long du continuum rural-urbain. Ces évolutions majeures ont des incidences différentes sur la sécurité alimentaire et la nutrition des personnes selon l’endroit où ces dernières vivent le long de ce continuum. Pour surmonter les défis associés à l’urbanisation et exploiter les possibilités que celle-ci ouvre, nous devons fonder nos actions, nos interventions publiques et nos investissements sur une vision claire des liens réciproques entre le continuum rural-urbain et les systèmes agroalimentaires, ainsi que de la manière dont, dans ce contexte, l’urbanisation influe sur l’accès à une alimentation saine et abordable, et de ce fait sur la sécurité alimentaire et la nutrition.
L’Algérie, seul pays africain dans le vert
L’Algérie est le seul pays africain classé dans la catégorie verte selon le dernier rapport de la FAO. Cela place l’Algérie au même niveau que les pays développés en termes d’accès aux produits alimentaires comme étant le seul pays africain figurant dans la catégorie verte. Dans le cadre de ses efforts continus pour développer le secteur dans le cadre de la mise en œuvre du Programme de Développement Durable 2030, l’Algérie a fait des progrès. Le rapport, consacré par les experts de la FAO, au suivi de la réalisation des objectifs alimentaires et agricoles au niveau international, indique que l’Algérie est le seul pays africain à figurer dans la catégorie verte, en termes d’indicateurs de prévalence de la sous-nutrition au niveau national. Suivi par l’Égypte dans la catégorie des pays qui sont en voie d’atteindre l’objectif. En ce qui concerne la sécurité alimentaire, l’Algérie fait partie des pays en voie d’atteindre l’objectif de la FAO. Les experts de l’Organisation indiquent des progrès dans la mise en œuvre du programme. À cet égard, l’Algérie avait déjà ouvert la voie au développement du secteur Agricole, par l’adoption d’une nouvelle politique paysanne. L’objectif est d’améliorer la production nationale, en particulier la culture des céréales, qui est l’un des objectifs fiables de l’État. Le secteur agricole est également le principal contributeur à la production intérieure brute. Le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Mohamed Abdelhafid Henni, a affirmé récemment que le Forum économique de Davos a classé l’Algérie, dans son dernier rapport, parmi les pays « leader » dans le monde en matière de sécurité alimentaire à travers sa production nationale. M. Henni a salué les résultats du dernier rapport du Forum économique de Davos, publié le 17 janvier dernier, dans lequel le Forum a affirmé le classement de l’Algérie parmi les pays leaders dans le monde en matière de sécurité alimentaire à travers sa production nationale. Dans ce cadre le rapport a souligné, selon M. Henni, que la part de la production agricole par habitant « a doublé ces deux dernières années, grâce à l’efficacité du modèle agricole adopté par les autorités publics ». Les résultats de ce rapport s’ajoutent ainsi à ceux conclus par la FAO, qui avait classé l’Algérie en première place aux niveaux arabe et africain, pendant trois années exécutives (2020, 2021 et 2022), en termes de concrétisation des objectifs du développement durable des Nations Unies dans le domaine de sécurité alimentaire, ajoute le ministre. A cet égard, M. Henni a estimé que les changements survenus depuis 2020 sur tous les plans « confirment la vision prospective du Président de la République, qui a inscrit, la nécessité de la mise en place d’un plan urgent de modernisation de l’agriculture, parmi ses 54 engagements, afin d’assurer la sécurité alimentaire, répondre aux besoins nationaux et mettre fin à la dépendance alimentaire ».
K.B